
Dans les paisibles marais de Corny-Machéroménil, une tradition ancestrale renaît sous une forme contemporaine. Interdite depuis mai 2023 par le Conseil d’État en raison de sa non-conformité avec une directive européenne, la tenderie au vanneau, autrefois chasse traditionnelle au filet, renaît aujourd’hui avec un objectif scientifique.
Désormais, plus question de tuer. Les vanneaux sont capturés, mesurés, bagués ou équipés de balises GPS, puis relâchés en pleine forme. « On cherche à comprendre leurs déplacements et leurs habitudes migratoires », explique Loris Savart, président de l’association Ardennes gibier d’eau. Une découverte marquante a d’ailleurs surpris les passionnés : une femelle suivie par GPS a été retrouvée… au Portugal, alors qu’on la croyait en route vers le nord-est de l’Europe.
Autorisée par la préfecture, cette tenderie scientifique fait grincer des dents du côté de la Ligue pour la protection des oiseaux. Pour Étienne Clément, président de la LPO Champagne-Ardenne, il s’agit d’un « détournement de l’interdiction » visant à maintenir une activité de loisir déguisée.
Pour les chasseurs, cette pratique participe pourtant à la préservation des zones humides. Sans tenderie, affirment-ils, certaines parcelles finiraient cultivées, et avec elles disparaîtrait une biodiversité fragile. Si la chasse traditionnelle est désormais prohibée, la tension reste palpable entre mémoire rurale, enjeux écologiques et questionnements éthiques. La tenderie, même métamorphosée, continue d’alimenter un débat vif sur notre rapport à la nature.